Comme nous l’avons déjà indiqué dans un précédent AUT infos, plusieurs initiatives ont été prises en 2023 et 2024 pour « sauver les bus », pour reprendre les termes mêmes de Jean Castex :

  • Signature, le 29 mai 2024, d’un protocole tripartite entre la Ville de Paris, Ile-de-France Mobilités et la RATP, actuel opérateur, prenant acte de la baisse de fréquentation des bus parisiens (29% entre 2019 et 2023) en vue d’améliorer la performance du réseau. Il convient de souligner qu’une copie de ce document nous a été directement adressée par la Ville de Paris.
  • Etude exploratoire sur les usagers du réseau de bus parisien, initiée par la RATP et confiée à un cabinet extérieur dont les résultats nous ont été présentés en juin dernier.

Il faut noter que le protocole est conclu jusqu’à prise d’effet de la dernière délégation de service public (DSP) et que son format pourra évoluer, IDFM ayant la faculté d’y associer de nouveaux titulaires de DSP exploitant les lignes parisiennes. L’accord prévoit des instances de gouvernance, un partage des connaissances et une concertation sur l’aménagement des portes, la résorption des points durs, une meilleure prise en compte du mode bus dans les projets d’aménagement des portes et des actions pour améliorer l’exploitation du réseau. Malheureusement, aucune disposition ne prévoit d’associer ou seulement d’informer les associations d’usagers. Il nous faudra donc poursuivre la pêche (incertaine) aux informations pour anticiper les conséquences des décisions concrètes qui pourront être prises.

Pour ce qui concerne l’étude sur les usagers de bus, nous souhaitons évoquer quelques résultats de cette enquête à laquelle la FNAUT IDF a participé. La démarche avait à la fois des objectifs qualitatifs (comprendre qui sont les différents usagers et leur relation au bus, identifier les motivations, leviers et freins à l’usage du bus) et quantitatifs (cerner les habitudes et pratiques des Franciliens, déterminer les motivations et freins à l’usage du bus, hiérarchiser les moyens de favoriser leur usage et établir une typologie des Franciliens vis à-vis du bus).

Pour la FNAUT IDF, il ne s’agit pas de se contenter de faire de la sociologie mais de tirer des enseignements concrets pour préparer la mise en concurrence de l’exploitation des bus parisiens et ce faisant, concrétiser les propos de la Présidente d’IDFM qui considère que cette mise en concurrence n’a pas tant pour objet de faire des économies que d’améliorer la qualité de service.

S’il est difficile de faire une synthèse en quelques lignes, plusieurs points peuvent être notés :

  • À la différence de la banlieue où la dépendance au bus est plus forte, les Parisiens disposent de nombreuses options de transport rendant les déplacements faciles. Par conséquent, leur usage du bus peut-être plus volatile. En dehors des Personnes à Mobilité Réduite (PMR) et des personnes âgées, les usagers passent facilement d’un mode de transport à l’autre pour optimiser leurs trajets.

Une bonne nouvelle : les usagers ont une vision plutôt positive du bus (il y a même des « fans de bus » !) mais il existe un fort enjeu d’efficacité et de fiabilité.

  • 5 profils ont été définis et quantifiés :
  • Hédonistes (j’ai le temps)           : 19%
  • Fragiles (PMR, enfants) : 12%
  • Fonctionnels (habitude, efficacité) : 11%
  • Opportunistes (multimodalité, optimisation) : 47%
  • Contraints (pas d’autre solution)           : 11%           

TOTAL                                                          : 100%

Pour chaque profil, ont été inventoriés des freins et des leviers. Il existe une certaine porosité entre les profils. Sans surprise (pour notre association) deux dominantes ont été identifiées : le manque de fiabilité du temps de parcours et la mauvaise qualité de l’information.

Le bus est quasiment toujours un mode de transport complémentaire ; Il est choisi en priorité pour des trajets courts et directs, sur des itinéraires connus, si les usagers n’ont pas de contrainte de temps.13% effectuent des correspondances de bus à bus.

Cependant, le profil « touriste n’est pas identifié dans l’enquête alors que le potentiel du réseau à destination de cette clientèle est fort et n’est pas encore totalement exploité (peu mis en avant, informations en français, notamment sur la billettique)[1].

 Qu’en est-il des leviers et des freins ?

Trois atouts forts différencient radicalement le bus des autres modes de transports (notamment ferrés) : le plaisir d’être en extérieur, l’accessibilité et la couverture étendue qui rend certains trajets plus simples ou directs.

Quant aux freins, le point essentiel est le manque de fiabilité et régularité, qui crée du mécontentement et peut faire renoncer au bus, notamment pour les profils Fonctionnels et Opportunistes (qui représentent la moitié des utilisateurs).

L’enjeu principal est la fréquence, jugée insuffisante (le temps d’attente idéal en deçà de 10-15 minutes) et le manque de régularité, sur une même ligne dans les mêmes circonstances (jour / horaire).

La régulation semble parfois défaillante : quoi de plus surprenant que de voir deux bus qui se suivent (le second souvent peu chargé) ? A ce sujet, il nous semble indispensable, dans le cadre de la mise en concurrence du réseau de bus parisien et du découpage par lots qui y est lié, qu’IDFM assure (ou mette en place) une régulation globale du réseau et réduise les parcours à vide vers les centres de remisage (cf. les « girouettes » indiquant « hors service » ou « retours centre bus » des véhicules parcourant en tout ou partie une ligne pour rejoindre leur dépôt).

L’’information et le système d’information s’est amélioré, mais reste encore insuffisamment développé et peu fiable.  48% seulement des usagers estiment bien maîtriser le réseau, dont seulement 9% parfaitement bien.

Quant à « l’expérience-client », elle reste fluctuante : la qualité n’est pas constante, qu’il s’agisse de la conduite ou encore de l’accueil.

 L’enquête conclut en pointant deux enjeux prioritaires : l’information et l’efficacité. Il faut souligner qu’elle abonde en recommandations (souvent présentées par profil) qu’il serait trop long de présenter dans cet article.

Les éléments de diagnostic sont donc clairs et précis. Il reste donc à prendre les mesures concrètes pour améliorer la situation de façon significative. Pour la FNAUT IDF, le processus de mise en concurrence de l’exploitation du réseau de bus parisien qui va se concrétiser dans les prochains mois doit être l’occasion pour mettre en place un véritable management de la qualité, associant autorité organisatrice, opérateurs et associations d’usagers qui ne se limite pas à la définition de paramètres de performance servant de base au calcul de bonus /malus mais traduise une volonté d’améliorer l’expérience-client. Depuis des décennies, la FNAUT IDF y prend sa part, notamment via l’opération « Témoins de lignes » en collaboration avec IDFM et la RATP pour Paris (ainsi que RATP Cap Ile de France et Transdev pour plusieurs réseaux franciliens). Il va sans dire que notre association est prête à amplifier un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes sans oublier évidemment les lignes extra muros.

 

[1] Voir l’étude que nous avons consacrée à ce sujet en 2023

 

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