Les automates : progrès ou régression ?
Déjà que l’achat d’un titre de transport aux automates faisait perdre du temps aux voyageurs (pardon : paraît qu’il faut désormais dire « clients ») par rapport à l’achat au guichet (et si on faisait faire un constat chronométré par huissier ? Chiche !), l’opération va être ralentie encore un peu plus avec la généralisation à la RATP, qui a suivi le mauvais exemple de la SNCF, d’une nouvelle génération d’automates. Plus de rouleau permettant de faire son choix en poussant simplement sur un bouton, le « client » doit désormais saisir lui-même sur un écran tactile non seulement sa station d’arrivée mais aussi celle de départ (les nouvelles machines – alors qu’on nous bassine avec le « progrès technique ! – ne savent plus où elles sont !). L’écran est en outre trop sensible si bien que le doublement d’une lettre est fréquent si on fait plus que l’effleurer. L’engin n’identifie dès lors plus la station recherchée, car il n’est même pas équipé d’un correcteur orthographique. Vous avez dit « haute technologie » ? Il s’agit bien plutôt de petites économies mesquines, car avec ce « nouveau » système, l’exploitant ne doit plus programmer les appareils en fonction de la station où ils sont placés. Mais cela se traduit par une régression de plus dans le service rendu aux voyageurs-clients. Sans doute les jeunes savent-ils presque tous tapoter avec dextérité sur un tel écran, mais n’oublions pas que les personnes âgées sont nombreuses à utiliser les TC et que leur proportion dans la population va croissant… SNCF et RATP font donc de plus en plus faire leur travail par les voyageurs (re-pardon : clients). Devra-t-on un jour pédaler dans les rames pour produire une partie de l’électricité nécessaire ?
Site Transilien faiblard
Dans la matinée du 3 novembre, le site de la SNCF – Ile-de-France était une fois de plus en folie. Il indiquait qu’une gare pourtant parfaitement orthographiée (et pour cause : on avait cliqué sur un des choix offerts !) n’existait pas ! A une demande d’horaire d’une gare à une autre gare, il répondait en invitant le voyageur à modifier son choix, parce qu’il y a plus de 1500 mètres à parcourir à pied ! Enfin, pas moyen d’effectuer plus d’une recherche sans devoir recommencer à partir de zéro, car l’écran affichait rapidement que le temps pour cet page était écoulé. Le site n’a d’ailleurs pas besoin d’être en drapeau pour que la durée de consultation soit inadmissiblement courte. Les voyageurs qui ont plusieurs recherches à faire d’affilée, connaît pas ! L’angoissante question se pose plus que jamais : les concepteurs de ce site ont-ils trouvé leur diplôme d’informatique dans un pochette surprise ? Ah si on pouvait nous rendre les horaires papier ! Ce vieux ringard de papier a un immense avantage, outre qu’il donne souvent le renseignement plus rapidement (je suis prêt à payer un contrôle par huissier) : il ne tombe pas en panne !
Des horaires incomplets
Il est de plus en plus difficile de trouver des horaires complets d’une ligne de train ou de bus francilienne. Il semble que les fanas de l’informatique veuillent nous imposer comme unique mode de consultation d’un horaire le fastidieux mode de recherche « point à point » qui oblige à saisir gares ou arrêts de départ et d’arrivée, et jour et heure du déplacement (comme si on connaissait toujours le moment précis de son voyage quand on prend des renseignements horaires ! C’est d’autant moins souvent le cas pour un trajet intrarégional). On devrait pouvoir télécharger des fiches horaires de toutes les lignes. Or non seulement les horaires papier ont disparu, mais même les fiches horaires se font rares sur transilien.com. Rien par exemple actuellement pour la banlieue Montparnasse ! Et quand elles existent, les fiches sont de plus en plus tronçonnées :plus moyen d’obtenir un horaire de bout à bout pour les RER C et D. Et les affiches en gare ne font pas mieux : par exemple, dans les gares entre Versailles-Chantiers et Massy-Palaiseau, seuls les horaires entre ces deux gares sont affichés ! Pas moyen de savoir l’heure d’arrivée ou de départ à Juvisy, ou passent pratiquement tous les trains qui desservent cette ligne ! Au minimum, tous les trajets directs devraient être indiqués intégralement. Quant au site Optile, AUCUNE fiche horaire ne peut y être téléchargée. La qualité de l’information horaire ne cesse donc de régresser. Veut-on décourager tout autre voyageur que les habitués d’emprunter les TC, c’est-dire renonce-t-on à essayer d’accroître leur part de marché ?
Une nouvelle catégorie d’exclus des transports publics ?
On s’attache actuellement – à très juste titre – à assurer l’accessibilité des transports aux PMR. Il est dès lors paradoxal de voir se créer une nouvelle forme d’exclusion, à savoir celle des personnes qui ont des problèmes urinaires ou d’autres soucis de santé les obligeant à se rendre fréquemment aux toilettes. Le sujet est peut-être un peu délicat, mais il n’y pas de raison que les problèmes de ces personnes soient moins pris en compte que d’autres, c’est une simple question d’égalité de droits. Or elles ne pourront bientôt plus voyager en train en Ile-de-France. Déjà, depuis quelques années, c’est pour elles une angoisse permanente quand elles montent dans un Transilien : les toilettes seront-elles ouvertes ? Non seulement elles sont souvent fermées parce que le plan Vigipirate atteint le niveau rouge vif selon des critères qui échappent au commun des mortels, mais même quand ceux qui savent estiment que le danger terroriste est suffisamment bas, elles peuvent rester fermées parce qu’on oublié de les rouvrir, parce qu’elles sont sales ou quelque autre raison mystérieuse.
Et maintenant, voilà que tout le monde s’extasie sur les nouvelles rames « Francilien » si belles, si colorées, si confortables, si ceci et si cela… mais dépourvues de toute toilette, alors que les trajets auxquels on les destine dépassent parfois une heure. On a notamment invoqué la perte de places qu’entraîne la présence de toilettes. Argument d’autant plus douteux que dans les nouvelles rames à intercirculation généralisée, il n’est plus nécessaire de prévoir une toilette par voiture. Il faudra exiger l’installation de toilettes lorsque viendra le moment de la grande révision de ce matériel.
Si au moins les gares étaient équipées de toilettes, mais là aussi, à l’exception des grandes gares terminus, elles sont de plus en plus souvent supprimées… Le cas le plus effarant est sans doute celui de Bibliothèque François Mitterrand : on avait –ô miracle – songé à équiper cette gare RER toute neuve de toilettes. Elles ont hélas fonctionné peu de temps, puis ont été fermées, et une affiche nous informe désormais que cette fermeture est définitive. Pourquoi ? On ne daigne pas en informer le bon peuple. Etaient-elles trop peu fréquentées ou et-ce encore un effet du plan Vigipirate (la « sécurité » permet décidément de justifier tout refus de service) ? Il est vrai qu’elles étaient cachées dans un petit coin reculé (sans jeu de mots)…
Il n’est pas question pour les usagers de baisser les bras. Certains diront sans doute qu’il est vain de lutter contre cette « tendance lourde de la société », comme on dit, qu’est manifestement la disparition progressive des toilettes dans le domaine ferroviaire. Je ne suis pas d’accord : nous devons revendiquer inlassablement, le retour des toilettes dans les trains et les gares, au nom de l’accès de tous aux transports publics. Qui a dit, très justement, que les seules causes vraiment perdues sont celles qu’on a déjà perdues dans sa propre tête ?
Jacques Scornaux