Co-fondateur de la FNAUT, créateur de l’AUT Ile-de-France, ardent défenseur des villes libérées des politiques du « tout-voiture », Jean Macheras nous a quittés le 7 décembre dernier à l’âge de 83 ans.
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition de Jean Macheras survenue le 7 décembre dernier à Paris 14e. Jean Macheras vivait dans cet arrondissement et y achève une vie bien remplie. Pour Jean, ce quartier était bien plus qu’un lieu d’habitation. Il vivait, respirait avec lui, contribuait à son effervescence.
C’était un citoyen jovial, toujours disponible pour ses voisins, ses commerçants et sa vie associative. Beaucoup partagent avec lui le plaisir de vivre dans un Paris 14e à la fois paisible et actif. Combien d’entre eux ont-ils conscience de ce que ce charmant bout de Paris doit à Jean, militant discret et infatigable ?
Ses premiers combats
En décembre 1971, un projet approuvé par le Conseil de Paris prévoit une voie rapide prolongeant l’autoroute A10 jusqu’à Montparnasse. Baptisé « Pénétrante Vercingétorix », le projet commence à se concrétiser dès le début des années 70, par l’achat d’emprises et la démolition d’immeubles.
En 1974, Jean Macheras, épaulé par sa compagne Simone Bigorgne, initie le Comité Vercingétorix, association de fait qui regroupe la fédération des usagers des transports (FUT), les Droits du piéton et l’association Vivre dans le 14e.
De 1975 à 1977, à l’initiative du Comité contre la « Pénétrante Vercingétorix », de nombreuses manifestations sont organisées contre le projet qui devait conduire l’A10 jusqu’aux portes de Paris et défigurer, outre le 14e arrondissement, toute la proche banlieue.
En 1977, le choc pétrolier, les nouveaux élus en place et le combat acharné de Jean auront raison du projet, qui est abandonné. Une soixantaine d’immeubles des quartiers Pernety et Plaisance auront été sauvegardés grâce à l’action du Comité Vercingétorix.
Jean Macheras ne s’arrête pas là. En mars 1977, il produit le manifeste : « Assez roulé comme ça on réfléchit… », en partenariat avec la FUT, et le « Manifeste vélorutionnaire », avec Les Amis de la Terre. A l’approche des années 80, les premières pierres d’une réflexion profonde sur notre mobilité en ville sont posées et font encore école aujourd’hui.
Création de la FNAUT puis de l’AUT
Jean Macheras et Simone Bigorgne vont étendre leur combat à l’échelle nationale. Ils préparent activement la tenue de quatre conventions nationales des usagers des transports : à Grenoble en 1975, à Cannes en 1976, puis à Paris fin 1976 et fin 1977.
Jean Macheras et ses coéquipiers inventent à l’époque ce qu’on appelle aujourd’hui l’intermodalité et la mobilité durable. En se donnant pour mission la promotion des modes de transports accessibles à tous, respectueux du cadre de vie et de l’environnement, ils introduisent la notion de « droit au transport » et de « droit de se déplacer à bicyclette » qui restent toujours d’actualité pour l’essentiel.
Ces textes fondateurs aboutissent à la création de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT) en 1978 avec une dizaine d’associations adhérentes en France. Le rôle de Jean Macheras est décisif : il installe le siège de la fédération dans un local dont il est propriétaire et que la FNAUT occupe encore aujourd’hui.
Son action continue à Paris et sa région en créant en 1982 l’Association des Usagers des Transports et de la Rue (AUTRE) qui deviendra en 1991 l’Association des Usagers des Transports d’Ile-de-France (AUT), représentation régionale de la FNAUT.
Durant cette longue période, il y tient successivement les rôles de président, de secrétaire général ou de simple membre du bureau pour développer et faire rayonner les idées de l’association.
Il contribue à rassembler les associations franciliennes d’usagers sous la bannière de l’AUT, participant aux réunions de collectifs, les conseillant pour s’organiser et se fédérer et stimulant les militants actifs pour renforcer le corps des militants au niveau régional.
Jean Macheras diffuse ses idées et cimente les doctrines de ces fédérations par une activité prolifique de rédacteur en chef pour de nombreuses revues associatives :
– Il crée Combat Transport, entre 1980 et 1990.
– Il publie et anime FNAUT-infos Paris puis FNAUT-infos Île-de-France en novembre 1990.
– Il dirige même le bulletin national de la FNAUT entre 1992 et 1994.
Ces revues qui promeuvent les idées de la FNAUT et de l’AUT, existent encore.
Pour mieux défendre les usagers des transports franciliens, il organise entre l’AUT et la RATP « l’opération Témoins de ligne » en 2000 pour coordonner la remontée des difficultés rencontrées par les usagers auprès du transporteur. L’opération est un succès. Elle s’est progressivement étendue à d’autres opérateurs de transports franciliens.
Amoureux de Paris et des villes apaisées
Jean Macheras était un défenseur déterminé et obstiné des transports publics et des alternatives à la voiture. Il s’est beaucoup dévoué pour lutter contre l’invasion de Paris par l’automobile.
Il joua un rôle majeur à l’AUT et à la FNAUT pour la réorientation de projets routiers, de transport et d’aménagement mal pensés. On lui doit encore aujourd’hui une région parisienne plus vivable.
Jean pilota pendant des années le réseau « Déplacements urbains » de la FNAUT. Il se déplaça entre 2010 et 2014 dans la plupart des grandes villes de France pour y analyser les transports urbains, écouter les associations locales et réaliser une grande étude comparative sur la qualité des déplacements en ville.
Amoureux des villes apaisées et des mobilités douces, Jean Macheras était administrateur de l’association Rue de l’Avenir. Il contribuait à son développement par la pertinence de ses avis et sa sagesse héritée de sa longue expérience.
Quelques jours avant son décès, il défendait encore, dans une réunion de concertation organisée par la mairie du 14e, le projet de piétonniser partiellement la place Denfert-Rochereau.
Jean Macheras était un militant exceptionnel d’une grande humanité, bienveillant et généreux avec son entourage associatif comme avec son entourage amical.
De l’habitant du quartier Pernety à l’usager quotidien des transports franciliens, du défenseur de petites lignes ferroviaires de province au concepteur des déplacements urbains de grandes agglomérations françaises, le monde de la mobilité lui doit une contribution incontestable et peut lui rendre un hommage appuyé.